Un premier envoi est effectué en Allemagne pour amorcer l'intérêt de ces clients difficiles. Leloup propose ainsi l'idée générale, un croquis poussé de véhicule souterrain à propulsion et sustentation électromagnétique, ainsi qu'une planche d'essai combinant les personnages, l'engin et un petit gag entre Pol et l'enfant Poky, de manière à souligner le côté "détente familiale" du projet. Pendant que cela cogite lentement là-bas, le dessinateur commence un premier début de son histoire pour ne pas être débordé en cas de commande rapide. Une dizaine de planches d'essai terminées, la réponse se fait toujours attendre. Une situation fort pénible pour le collaborateur du studio Hergé, soucieux de reprendre sa liberté pour gagner sa vie en dessinant enfin, complètement, les récits dont il rêve déjà. Peyo lui propose de collaborer aux "Schtroumpfs" en parallèle à son éventuelle propre production...
-- Dupuis ne voulait pas que je travaille pour Peyo, dit Leloup. Il m'a conseillé de prendre le personnage le moins important du trio Vic, Pol et Yoko pour en faire le héros de petites histoires en attendant le feu vert d'ELTERN. J'ai pris Yoko qui n'était encore que le faire-valoir des deux personnages masculins et je me suis aperçu que j'aimais la dessiner! Pour les deux premiers récits complets, Tillieux a revu les dialogues des scénarios que je lui présentais. C'était une sorte de garantie à l'égard de l'éditeur. Puis Tillieux m'a dit fort gentiment que je découpais cela très bien et qu'il ne voulait pas continuer à gagner de l'argent sur mon dos sans m'être de réelle utilité. Il m'a toutefois aidé à trouver un nom à Yoko. Je l'avais d'abord appelée Yoko Shirishi, mais ça ne sonnait pas très bien. Tsuno était nettement plus évocateur en dérivant de "Lao-Tseu" et de "nô", le drame lyrique japonais. J'ai pu constater qu'il existait là-bas un village s'appelant Tsuno et de nombreuses familles portent ce nom. Pour Vic et Pol, Tillieux avait trouvé les compléments "Vidéo" et "Pitron" dans la tradition des séries humoristiques de SPIROU, mais je n'emploie plus ces noms de famille, le prénom suffit à les définir.
A la publication dans l'hebdomadaire des premiers courts épisodes, le courrier afflua : Yoko plaisait! Le personnage était sympathique et Leloup lui avait attribué un métier d'avenir, électronicienne. Convaincu d'avoir fait le bon choix, l'éditeur débloqua la grande aventure en souffrance, sans plus se soucier des Allemands versatiles.
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